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[English original]
Je crois que le moment est venu de reconnaître
désormais, surtout à une époque o— les marchés de capitaux privés
sont extrêmement développés, que les pays en développement les
plus avancés et pratiquement toutes les sociétés post-communistes
sont en mesure de combler leurs besoins en faisant appel aux
mécanismes commerciaux privés, ce qui permet aux institutions
financières internationales, au système intergouvernemental, de
faire porter leurs efforts, par-dessus tout, sur l'Afrique et sur
les plus pauvres d'entre les pauvres.
Ces considérations ont des répercussions très pratiques, notamment sur la question de la Banque européenne de reconstruction et de développement. Je crois que nous approchons du jour, par exemple, o— la République tchèque n'aura tout simplement plus besoin de la Banque. Si tout va bien, on pourra en dire autant de la Pologne bient“t, de sorte que la Banque pourra concentrer son attention surtout sur la Russie. Or, les besoins économiques et financiers de la Russie doivent être satisfaits autrement que par des contributions gouvernementales acheminées par la BERD.
Le temps est venu pour les institutions financières internationales et les banques de développement multilatérales d'imposer des critères plus rigoureux de prêts à d'autres gouvernements et de veiller à ce que les ressources financières consenties ne servent pas à perpétuer des appareils et des dépenses militaires de grande envergure. Je crois qu'une telle approche est largement acceptée à mesure que nous avançons dans la période de l'après-Guerre froide. C'est une idée qu'a appuyée vigoureusement la Commission sur la gérance mondiale qui s'est réunie récemment et que les grandes puissances du G-7 avaient certainement accueillie très favorablement lors de sommets antérieurs.
Par ailleurs, on étudie également l'idée d'aller plus loin qu'un simple appui aux pays qui s'engagent dans un processus de démilitarisation et de favoriser activement le processus grƒce à un nouveau fonds de réaffectation des dépenses militaires. Je crois cependant qu'une vaste gamme d'avantages peut découler du simple fait de favoriser les pays qui consentent à réduire leurs dépenses militaires. évidemment, aucune institution financière ou économique internationale ne l'a encore fait.
Les institutions financières internationales et les banques de développement multilatérales doivent s'attaquer encore plus énergiquement à la tƒche de favoriser le développement durable. Les progrès ont été considérables au fil des années, mais je crois qu'il est possible d'envisager une généralisation de l'exemple de la Banque asiatique de développement. Ž titre d'exemple, cette banque s'est engagée à faire en sorte que, dès 1997, plus de 50 p. 100 de ses prêts soient consacrés à des volets de projets traditionnellement considérés comme intangibles comme l'habilitation des femmes, la conservation et la valorisation du capital écologique et l'équité sociale.
Nous pouvons également aller plus loin en rendant les institutions financières internationales elles-mêmes plus transparentes. Il vaudrait la peine, par exemple, d'étudier la possibilité qu'un gouvernement comme celui du Canada, qui s'est doté récemment d'un commissaire au développement durable, cherche à convaincre ses collègues du G-7 de créer des postes de commissaires au développement durable au sein des grandes institutions financières internationales et des grandes banques de développement multilatérales. Grƒce à une telle initiative, ces institutions véhiculeraient en permanence, de l'intérieur, la notion moderne de développement durable qu'elles préconisent.
également, nous devons nous pencher sur la question plus circonscrite que sont la gérance et l'administration des banques de développement multilatérales et des institutions financières internationales. En 1945, au moment de la création du système de Bretton Woods, il était tout à fait raisonnable de veiller, dans le cas de la Banque mondiale, par exemple, à ce que le président de l'institution soit toujours un citoyen américain, souvent issu du Congrès des états-Unis; que le siège social de l'institution soit Washington. Dans un monde o— les états-Unis étaient, de loin, le seul grand pourvoyeur de capitaux du système international et o— l'isolationnisme de l'entre-deux guerres était encore frais dans les mémoires, il était sage d'agir de la sorte. *hf
Cependant, 50 ans plus tard, nous sommes dans un monde o— les états-Unis ne fournissent plus que 17 p. 100 environ des capitaux de la Banque mondiale et o— la famille de la Banque mondiale a donné naissance à toute une gamme d'autres institutions--la Société financière internationale, l'Agence multilatérale de garantie des investissements, l'Agence de développement international--dont les sources de financement et les objectifs sont beaucoup plus divers.
Le processus d'élargissement est déjà amorcé. C'est un Japonais qui dirige à l'heure actuelle l'Agence multilatérale de garantie des investissements. Je crois que c'est un processus qui va se poursuivre. Peut-être la Société financière internationale sera-t-elle le prochain véhicule d'une telle diversification.
Rien en effet, n'oblige la Société financière internationale, qui fait partie de la famille de la Banque mondiale mais qui est très nettement tournée vers le secteur privé, à avoir pour siège social Washington et à continuer à être régie par une structure présidée par un citoyen américain.
Ensuite, j'estime que nous devons nous intéresser au pilier manquant de l'institution de Bretton Woods, à savoir une organisation mondiale de l'environnement. Je pourrai en dire davantage à ce sujet durant la période des questions, si quelqu'un s'y intéresse.
J'aimerais terminer sur une réflexion qui a trait au r“le du système du G-7 en tant que tel. Vous allez recevoir au cours de vos discussions un certain nombre de propositions bien intentionnées visant à élargir la participation au G-7. Il y a lieu de les traiter avec une prudence extrême.
Ces propositions, pour la plupart, ne sont pas fondées sur la nécessité d'une plus grande représentation ou d'une participation accrue pour améliorer l'efficacité du G-7. Elles sont plut“t fondées sur la valeur intrinsèque d'une représentativité accrue.
S'il y a lieu d'être prudent, c'est surtout en raison du fait que dans un monde o— un si grand nombre d'institutions internationales ont pour mission centrale de représenter leurs membres sur la scène internationale, le G-7 commettrait une erreur stratégique en prétendant assurer cette représentativité à leur place.
Un certain approfondissement du système du G-7 est cependant souhaitable sur le plan institutionnel, compte tenu notamment des nouvelles réalités financières et économiques à l'échelle mondiale. Je pourrai y revenir, le cas échéant, durant la période de questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup, professeur Kirton, de votre présentation très fouillée.
Professeur Helleiner.
M. Gerald Helleiner (professeur, Département d'économie, Université de Toronto): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de comparaître à nouveau devant le Comité. Mes commentaires porteront surtout sur les aspects du sommet du G-7 relatifs aux institutions financières internationales et au processus de réforme.
C'est presque un lieu commun que de dire aujourd'hui que l'économie s'est mondialisée à un degré qui dépasse tout ce qu'on aurait pu imaginer il y a 50 ans, à l'époque de la première conférence de Bretton Woods.
Les marchés de capitaux et les marchés financiers en particulier se sont mondialisés à tel point que ce qui aurait été considéré comme une crise relativement mineure dans un pays de taille moyenne--le Mexique à la mi-décembre--a semé la terreur sur les marchés financiers à l'échelle de la planète.
Pourtant, en dépit de la mondialisation de l'économie par la voie des marchés, il est étonnant de constater à quel point l'économie mondiale est anarchique. Les biens publics que fournissent les gouvernements nationaux pour assurer un fonctionnement plus efficace des économies à l'échelle nationale sont peu disponibles à l'échelle mondiale, quand ils le sont.
Les biens publics dont je parle ici, ce sont les règlements, les lois, la stabilité, la gestion en situation de crise et, non le moindre, une plus grande mesure d'équité.
Pour ce qui est du FMI et de la Banque mondiale, les trois principaux biens publics fournis sont les suivants: la gestion macro-économique à l'échelle mondiale, le fait de garantir des liquidités suffisantes à l'échelle planétaire et le fait de fournir les ressources financières nécessaires au développement. Voilà trois biens publics que les marchés à eux seuls ne sauraient fournir.
Si nous avons créé à l'échelle nationale des banques centrales et des institutions financières efficaces o— l'état joue un r“le, c'est à cause du fonctionnement imparfait des marchés, de la nécessité d'assurer des liquidités et les ressources financières nécessaires à ceux qui ne peuvent compter sur les marchés pour assurer leur financement. À cet égard, l'état joue un r“le de prudente gestion et de surveillance qui suppose parfois des contributions financières directes.
Il est tout à fait opportun de procéder à un examen 50 ans après la conférence de Bretton Woods et aussi 50 ans après la création des Nations Unies.
Ces dernières années, quantité de conférences et d'articles ont été consacrés à ces sujets. Ils font généralement état des changements très considérables intervenus dans le domaine de l'économie comme dans celui de la politique internationale ces 50 dernières années.
Ils soulignent également certaines faiblesses, notamment dans le domaine du commerce o— nous avons enfin créé ce que je n'appellerais pas une institution de Bretton Woods. L'Organisation mondiale du commerce est peut-être une institution de Marrakech ou, mieux encore, une institution de La Havane, l'aboutissement d'un processus amorcé à la conférence de La Havane en 1947.
Il y a lieu de se demander comment cette nouvelle institution dont les pratiques de gérance différent passablement de celles du FMI et de la Banque mondiale va interagir avec ces deux dernières institutions. Cette nouvelle institution comporte également des chevauchements importants en matière de traitement, de réglementation et de surveillance des services financiers.
Il est également pertinent, après 50 ans, d'évaluer dans quel sens ont évolué d'autres organisations des Nations Unies. Le Conseil économique et social de l'ONU, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et toute une série d'autres organismes de l'ONU ont vu le jour et on peut dire, d'une façon générale, que les organismes de l'ONU, exception faite du FMI et de la Banque mondiale qui sont, au sens strict, des organisations onusiennes, n'ont pas pris toute l'envergure envisagée au départ.
Il faut se demander comment, si possible, l'UNICEF, l'Organisation mondiale de la santé, le PNUD et d'autres organisations de l'ONU qui jouent un r“le efficace peuvent mieux jouer ce r“le à l'échelle internationale en interaction avec les organisations plus puissantes et plus centrales que sont devenus le FMI et la Banque mondiale.
Il en ressort des interrogations pertinentes à l'échelle nationale. Quels organismes gouvernementaux sont le mieux en mesure, à l'échelle nationale, de traiter avec les institutions centrales de ces questions internationales?
Á l'heure actuelle, c'est généralement par le truchement de leur ministère des Finances que les gouvernements nationaux entretiennent des rapports avec les organismes centraux les plus puissants. C'est peut-être la meilleure façon de faire. Cependant, pour un ministère des Finances, les questions de développement à long terme n'ont généralement qu'une importance secondaire, et c'est également le cas de questions qui sont primordiales pour certains organismes des Nations Unies comme l'UNICEF, la FAO et le Programme alimentaire mondial.
Les ministères des Finances doivent se charger des budgets annuels, ils doivent composer à court terme--et non pas à long terme--avec les marchés financiers et ils n'ont pas généralement été perçus par les instigateurs de l'appareil des Nations Unies comme les meilleurs véhicules d'une perspective à long terme ou les meilleurs représentants des intérêts à long terme en matière de développement Mondial.
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