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Analytical Studies
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Sommet du G8 de Deauville

Conférence de presse de Nicolas Sarkozy, Président de la République française
Deauville, 27 mai 2011
[English version]

LE PRESIDENT : Mesdames et messieurs bonjour. Vous avez le texte du communiqué final du sommet et donc, si vous le voulez bien, le mieux serait peut-être que je réponde directement aux questions que vous auriez à me poser, cela évitera de paraphraser le texte du communiqué.

QUESTION : Bonjour Monsieur le Président, dans le communiqué, vous dites, le G8 dit : « KADHAFI doit partir ». Mais KADHAFI refuse de partir. Que faire ?

LE PRESIDENT : Intensification de l'intervention militaire pour protéger les populations dans le cadre de la résolution 1973. Il y a une grande unanimité sur cet objectif. Les termes employés, s'agissant de Monsieur KADHAFI, sont particulièrement clairs et très durs et ils ont été acceptés par la totalité des pays membres du G8, y compris la Russie. Par ailleurs, l'ensemble de nos partenaires africains montrent une très grande solidarité par rapport aux décisions sur la Libye. Donc Monsieur KADHAFI a en mains sa situation personnelle : il part et il évite bien des souffrances au peuple libyen ; il s'entête et lui-même en payera les conséquences.

QUESTION : Monsieur le Président, le communiqué final parle de 20 milliards. Par contre, le Premier ministre tunisien dit que vous avez évoqué le chiffre de 40 milliards.

LE PRESIDENT : Oui, les précisions, je peux vous les donner. C'est 20 milliards de dollars pour les banques multilatérales, dans lesquels je n'inscris pas le FMI. Nous avons pensé qu'il était plus honnête de ne pas impliquer le FMI dans ce décompte puisque, de toute manière, le FMI engage des prêts et a engagé ces prêts pour l'Égypte et la Tunisie donc on ne l'a pas mis dans les banques multilatérales. A ceci s'ajoute une dizaine de milliards de dollars d'engagements bilatéraux que nous n'avons pas mentionnés dans la déclaration. Au titre de la France, ce sera un milliard d'euros pour l'Égypte et pour la Tunisie. Et enfin, 10 milliards de dollars de contributions des pays du Golfe, Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, que nous inscrirons dans un fond financier spécialement dédié à cet effet. Le total fait donc bien 40 milliards sur la période : banque multilatérale, engagements bilatéraux, engagements des pays du Golfe.

QUESTION : Monsieur le Président, est-ce qu'après vos entretiens avec le Président MEDVEDEV et le Président OBAMA, le projet au Conseil de sécurité pour la Syrie, le projet européen, français aussi, est-ce que vous pensez qu'il passera ? Et qu'est-ce que vous pensez qu'il se passe aujourd'hui même, il y a encore des manifestants qui ont été tués en Syrie ? Pardon Monsieur le Président, deuxième question si vous permettez, sur la conférence que vous voulez pour fin juin : est-ce qu'après vos entretiens avec le Président OBAMA, vous avez l'impression sur la Palestine et Israël que le Président OBAMA a accepté le principe d'une conférence où vous voulez relancer, comme vous dites, le processus de paix.

LE PRESIDENT : Sur la Syrie, je vous l'ai dit hier, la situation est parfaitement inacceptable et l'attitude du pouvoir est choquante. Les termes retenus dans la déclaration du G8 sont sans ambigüité quant à la condamnation de l'action du pouvoir en Syrie vis-à-vis des manifestants pacifiques. Et ce texte a été encore durci dans la négociation de cette nuit et nos amis russes ont accepté et validé ce texte. Qui peut imaginer que ce qui a été possible de dire et d'écrire au G8 à Deauville donnerait lieu ou pourrait donner lieu à une position différente aux Nations Unies ?

Sur le processus de paix, nous en avons parlé longuement ce matin avec Monsieur JUPPÉ et Monsieur le Président OBAMA, nous pensons que la réconciliation palestinienne est une bonne nouvelle. Nous pensons qu'il y a une opportunité pour débloquer la situation et que, par-dessus tout, il y a urgence parce que les révolutions arabes, la démocratie dans certains pays arabes donnent une opportunité à la paix ; parce que les démocraties, et c'est même leur caractéristique, ne se font pas la guerre entre elles. Et nous voulons convaincre nos amis Israéliens qu'il ne faut pas s'inquiéter de cette évolution, bien au contraire, parce qu'elle permettra d'évacuer une énergie négative qui se mobilisait contre des dictatures, en énergie positive au service de la croissance et de la paix. Et à plusieurs reprises, avec nos amis américains, nous avons convenu qu'il y avait urgence. Alors l'urgence se situe très exactement entre maintenant et l'Assemblée générale des Nations Unies. Alors là, il peut y avoir des différences d'appréciation pour savoir si l'urgence, c'est juin ou si l'urgence, c'est juillet.

Et comme vous le savez, Monsieur JUPPÉ, ministre d'État, va partir au Proche-Orient jeudi prochain. Et on sera à même de faire un point plus précis à ce moment-là et il sera lui-même au début du mois de juin à Washington ; et nous avons convenu avec nos amis américains de travailler ensemble. Nous ne pouvons pas nous résoudre, la France ne peut pas se résoudre à la perpétuation de ce conflit dont les paramètres de la paix sont parfaitement connus et ils ont d'ailleurs été rappelés avec beaucoup de courage, de lucidité et d'intelligence par le Président OBAMA.

Alors après, il faut qu'il y ait un minimum de bonne volonté de tous les partenaires pour faire la paix. En tout cas, la volonté de la France de prendre des initiatives et d'essayer de faire avancer le processus, elle est clairement sur la table et d'ailleurs, elle a été reprise dans le communiqué du G8.

QUESTION : L'Afrique est de plus en plus présente, l'Afrique sub-saharienne, dans les sommets internationaux, mais est-ce que sa voix est réellement entendue, tant sur le plan politique qu'économique ? Je vous remercie.

LE PRESIDENT : En tout cas, c'est clair que nous avons voulu, non seulement que le G8 entende la voix de l'Afrique, mais c'est une voix partagée puisque je crois que c'est la première fois qu'il y a une déclaration commune Afrique-G8 sur des sujets absolument considérables.

Nous avons la préparation de Durban qui est un enjeu immense et la France, très clairement, souhaite qu'on prépare l'après Kyoto mais que cela ne se traduise pas par une diminution des engagements, qu'on reste avec des engagements de réduction des gaz à effet de serre et d'obligations pour la protection de notre planète, donc il y aura besoin d'une grande discussion.

Il y a l'affaire du cycle de Doha et de l'Organisation Mondiale du Commerce, où quelles que soient les perspectives de succès ou d'échec pour Doha, nous ne souhaitons pas que les pays les plus pauvres soient pris en otage d'une querelle qui serait entre les pays industrialisés et les pays émergents. Et donc, nous réfléchissons à cette situation pour protéger les pays les plus pauvres.

Il y a toute la question de la réalisation des infrastructures pour l'Afrique qui fera l'objet d'un chapitre particulier et important à Cannes. Il y a la question des financements innovants qu'avec Meles Zenawi, nous allons pousser. J'ai été très heureux de l'engagement du Président BARROSO indiquant qu'il était favorable aux financements innovants et que la Commission ferait une proposition de financements innovants. S'agissant de la France, nous prendrons nos responsabilités et nous sommes prêts à appliquer les financements innovants avec un groupe de pays leaders, même si tout le monde n'est pas d'accord.

Et enfin, c'était très émouvant de l'invitation de trois pays africains qui ont eu des élections démocratiques, la Côte d'Ivoire, le Niger, la Guinée. Clairement, nos amis africains ont compris que la priorité absolue serait donnée à ceux qui luttent contre la corruption, qui luttent pour la démocratie et c'est cela, le nouveau partenariat entre le G8 et l'Afrique, de l'Afrique du Nord à l'Afrique du Sud.

QUESTION : Une question sur l'Europe et la Grèce, est-ce qu'une restructuration de la dette grecque serait vraiment très néfaste pour l'Europe, elle doit aller très vite et à tout prix, et est-ce que c'est un sujet que vous avez évoqué avec Madame MERKEL ? Je vous remercie.

LE PRESIDENT : C'est un sujet que l'on n'a pas évoqué en G8 parce que ce n'est pas au G8 que l'on doit traiter ces questions, même si on a discuté avec nos partenaires de la situation de la zone euro. Nous avons fait valoir que la zone euro était une zone stable où la croissance était repartie assez fortement, +0,8 de moyenne au premier trimestre de cette année, où les déficits moyens y étaient plutôt moins importants que dans d'autres zones du monde, puisque si mon souvenir est exact, on doit être aux alentours de 4,5 de déficit moyen et qu'il y avait d'ailleurs un paradoxe à parler des problèmes de l'euro à un moment où l'on n'a quasiment jamais été aussi haut.

Je voudrais quand même attirer l'attention de l'ensemble des observateurs sur le fait que l'euro ces dernières semaines a oscillé entre 1,40 face au dollar et 1,50, c'est-à-dire bien au-delà de ce que fut son cours d'introduction. Je n'ai pas le souvenir qu'une monnaie qui serait fragile, c'est une monnaie dont la valeur marchande augmenterait. Et même, ce qui nous pose parfois problème, c'est le haut niveau de l'euro pour financer nos exportations.

Donc il n'était pas question de parler en détail de la situation de la Grèce ou de tel ou tel pays hors sa présence et hors la présence de nos partenaires de l'euro. Avec Madame MERKEL, oui en bilatéral, bien sûr nous en avons parlé pour dire notre soutien total, complet et sans ambiguïté à l'euro, à sa stabilité et sa crédibilité. Cela fait bien longtemps que Allemands et Français disons que l'euro, c'est non négociable parce que l'euro, c'est l'Europe et tout ce qui pourrait porter atteinte à l'avenir de l'euro porterait atteinte à l'avenir de l'Europe et donc porterait atteinte à l'avenir de la France et à l'avenir de l'Allemagne. Donc tout ce qui doit être fait sera fait au moment voulu, en partenariat avec nos amis allemands et je ne manquerai pas à ce moment-là d'expliquer les décisions que nous aurons prises.

QUESTION : Pour prolonger la question de ma consœur sur la Syrie, est-ce que vous iriez jusqu'à adresser aujourd'hui au président Bachar AL-ASSAD, le même message récent que lui a adressé lors de son discours au monde arabe le président OBAMA, c'est-à-dire de lui dire : « ou vous assurez maintenant une réelle transition démocratique ou vous quittez le pouvoir » ?

LE PRESIDENT : Est-ce que j'aurais pu dire cela ? Oui. Il l'a déjà dit, il a eu raison de le dire. Bon il me semble qu'Alain JUPPÉ comme moi l'avions dit déjà mais si vous voulez me faire dire que nous suivons le bon exemple du président OBAMA, écoutez cela ne me pose aucune problème.

Et la France a quelque crédit pour le dire, c'est que nous avons tout fait pour ramener la Syrie dans le concert des nations international, tout fait, nous avons discuté avec eux, nous avons parlé avec eux, nous avons essayé de les aider, nous avons essayé de les comprendre, nous avons d'ailleurs pu avoir des progrès au Liban grâce à cette entente et malheureusement, j'ai le regret de dire que les dirigeants syriens font une formidable marche en arrière. La France, dans ces conditions, retire sa confiance et dénonce ce qui doit être dénoncé. Le président Bachar AL-ASSAD savait parfaitement que la France ferait cela à partir du moment où il y avait cette régression démocratique qui est inacceptable.

QUESTION : Je voulais vous demander sur l'idée qu'il y aurait une proposition par la Russie de faire une médiation sur la question de la Libye, est-ce que c'est vrai qu'il y a effectivement cette proposition et qu'est-ce que vous en pensez ? Et puis si je peux vous demander, nous en Italie, on est bien sûr très intéressés aussi par votre femme, je sais que vous ne parlez pas de votre vie privée mais permettez-nous de vous faire votre congratulation et si vous savez déjà si c'est un petit garçon ou une petite fille ? Merci.

LE PRESIDENT : Heureusement que vous ne voulez pas parler de ma vie privée, parce que qu'est-ce que ça serait si vous vouliez en parler. Je suppose que vous le feriez en italien. Je vous félicite à votre tour d'être italienne, qui est un pays que nous aimons tellement en France.

Sur le président MEDVEDEV, les mots ont un sens, qu'est-ce que cela veut dire médiation ? Il n'y a pas de médiation possible avec Monsieur KADHAFI. Les soldats de M. KADHAFI doivent rentrer dans les casernes et M. KADHAFI doit partir. On peut discuter des modalités du départ dans l'honneur, dans quel pays... tout cela, c'est effectivement discutable.

Et quant à Monsieur MEDVEDEV, pourquoi nous passerions-nous de sa force de conviction à partir du moment où, au nom de la Russie, il accepte de condamner ce qui se passe en Libye et de condamner les agissements de Monsieur KADHAFI. Donc oui nous avons besoin de l'aide du président MEDVEDEV et d'ailleurs, nous en avons tellement eu besoin qu'au Conseil de Sécurité, il nous a permis de laisser passer la résolution 1973. Donc oui, cette aide est la bienvenue sur ce dossier comme sur d'autres. Comme d'ailleurs, elle avait été utile dans toutes les affaires qui continuent avec l'Iran. La Russie est un grand partenaire.

QUESTION : Ce n'est pas une question sur votre femme, mais on va revenir sur la Grèce plutôt qui est une question passionnante puisque la situation se dégrade quand même à vue d'œil en Grèce, le FMI vient d'annoncer qu'il pourrait ne pas accorder la prochaine tranche du prêt d'aide à la Grèce, donc je voudrais savoir si avec Madame MERKEL, vous avez eu une discussion un peu approfondie sur cette question, notamment parce que la nouvelle dégradation vient pour cause en partie d'Allemagne qui appelle à une restructuration « douce » de la dette grecque, de restructuration à laquelle s'oppose fermement la France et la Banque centrale européenne ? Deuxième question, est-ce que Monsieur OBAMA vous a fait part de ses inquiétudes devant l'instabilité qui continue à régner au sein de la zone euro plus d'un an et demi après le déclenchement de cette crise, manifestement nous n'arrivons pas à porter la réponse systémique qu'attendent les marchés.

LE PRESIDENT : Monsieur OBAMA ne m'a pas fait part de ses inquiétudes parce qu'il connaît parfaitement la situation des États-Unis d'Amérique. Et Monsieur OBAMA, une de ses caractéristiques est raisonnable ; et comment pourrait-il être inquiet d'une zone où le déficit est à 4,5 de moyenne ? Ce n'est pas possible.

Alors deuxièmement, l'Allemagne est un pays majeur et un partenaire stratégique pour la France, je ne dirai rien qui puisse gêner une collaboration qui est confiante avec Madame MERKEL et le gouvernement allemand et qui est indispensable.

Troisièmement, je trouve que l'on emploie mal le mot « restructuration ». Si restructuration cela veut dire qu'un pays européen ne doit pas rembourser ses dettes, alors c'est un mot qui ne fera pas partie du vocabulaire de la France, c'est clair, simple et net. Si la question est : est-ce que l'on peut réfléchir à la façon dont des agents privés ou des partenaires privés puissent prendre une part du fardeau ?, nous ne sommes pas du tout dans la restructuration, il y a des formules, il n'y a pas de problème. Voilà. Et c'est dans cette direction que chacun devra converger.

La chose importante, c'est que nous défendrons et soutiendrons l'euro et la solidarité à l'intérieur de la zone euro. La crédibilité des pays européens est capitale et nous ne pouvons pas céder sur ce terme de crédibilité. Nous ne céderons pas sur ce terme de crédibilité. Quant à la participation du secteur privé, il y a beaucoup de manière de le faire sans porter atteinte à cette crédibilité. Donc je vous confirme, la France n'emploie pas le mot restructuration et pense que c'est un mot qu'il ne faut pas employer et une réalité qu'il ne faut pas envisager.

QUESTION : Tout à l'heure, le président tunisien dans sa conférence de presse a évoqué la question des réfugiés, des Tunisiens qui passent en Europe en disant : « je ne crois pas que 20 ou 28 000 arrivées sur le sol européen remettent en question l'équilibre démographique en Europe ». Est-ce que vous considérez vous qu'il y a aujourd'hui un problème, un danger d'immigration massive ?

LE PRESIDENT - Associer le mot danger à immigration, venant de vous, c'est curieux. Voyez-vous un danger ? Pardon vous associez deux mots que l'on n'associe pas, que je n'ai jamais associés moi, danger et immigration. Je n'aurais pas employé les choses comme cela mais bon, vous les avez employées, c'est votre droit.

Je n'ai jamais été dans ma vie pour l'immigration zéro, je ne commencerai pas et cela fait bien longtemps que je pense que le sud de la Méditerranée et le nord de la Méditerranée, nous devons gérer en commun les flux migratoires et les impératifs du développement. L'immigration doit être réfléchie par des gens qui ont des responsabilités et le sens de la responsabilité.

Par exemple, nos amis Tunisiens souhaitent que l'on forme leurs élites, ils ont raison et nous serons très heureux de les former ne serait-ce que parce que cela permet de développer et d'entretenir l'amour du français en Tunisie. Mais en même temps, chacun voit bien que quand il faut 10 ans pour former un étudiant en médecine, en 10 ans, on fait des rencontres que l'on soit un jeune garçon ou une jeune femme. Le but, ce n'est pas que tous les étudiants en médecine tunisiens deviennent des médecins en France. Donc tout ceci mérite d'être discuté et concerté, les choses avancent tranquillement. Alain JUPPE est allé en Tunisie, Claude GUEANT également et je crois que l'on est en train de trouver un bon équilibre. Donc il n'y a pas de tension sur le sujet et je puis d'ailleurs vous dire que le Premier ministre tunisien souhaite que je puisse me rendre assez rapidement en Tunisie à son invitation.

Par ailleurs, il me semble que la jeunesse tunisienne a été assez sensible à l'initiative de la Présidence française d'inviter au G8 l'Egypte et la Tunisie, c'est un signal.

QUESTION : Est-ce que vous pourriez parler de vos conversations pour la possibilité de l'entrée de la Russie dans l'OMC ?

LE PRESIDENT : Il y a encore quelques problèmes à régler mais nous avons dit que sur l'objectif, nous étions favorables à ce que la Russie puisse rentrer dans l'OMC. D'une manière générale, le partenariat entre la Russie et la France, la Russie et l'Europe va beaucoup se rapprocher et se renforcer dans les mois et les années qui viennent.

A partir du moment où la Russie prend sa part de la résolution des grands dossiers internationaux comme elle le fait, il n'y a aucune raison que, d'une manière ou d'une autre, on retarde la résolution de demande la Russie comme celle de l'économie de marché ou de l'entrée dans l'OMC.

QUESTION : Monsieur le Président, sans revenir sur ce que vous avez indiqué hier, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous a dit, dans vos échanges, le Président OBAMA ce matin sur la situation à la Direction générale du Fonds Monétaire International, ce qui s'est passé depuis deux semaines et la candidature de Mme Christine LAGARDE ?

LE PRESIDENT : Ecoutez, on en a naturellement parlé, d'ailleurs comment pourrait-il en être autrement ? Mais en l'état actuel des choses, je ne suis pas le porte-parole du Président OBAMA et ce n'est pas à moi d'annoncer sa décision. Je crois savoir que sa décision est prise, qu'il se réserve le moment opportun pour l'annoncer. Cela aurait été particulièrement maladroit, me semble-t-il, de donner le sentiment que les pays du G8 se mettaient d'accord sur une candidature, ignorant les demandes d'autres régions du monde, ces demandes pouvant d'ailleurs être multiples. Mais enfin entre temps, j'ai vu l'excellente déclaration de Mme CLINTON, hier soir. J'aurais du mal à imaginer qu'il y ait un désaccord entre les deux.

QUESTION : J'aimerais revenir sur une question sur le Proche-Orient. Pensez-vous qu'il est bon, utile de parler des frontières de 1967 quand on veut essayer d'aborder la question du règlement au Proche-Orient ? D'un retour aux frontières de 1967 ? Deuxième question sur l'Iran : Ne pensez-vous pas que le Printemps arabe et toutes les mesures qui sont prises mettent de côté la question iranienne, même s'il en était question au G8, et ne le regrettez-vous pas ?

LE PRESIDENT : Moi, je crois que c'est opportun de parler des frontières de 1967, parce que l'on ne peut pas parler que des frontières sans préciser lesquelles. Là, ça va devenir vraiment virtuel et je pense que justement, ce qui fait le courage du discours du Président OBAMA, c'est qu'il a évoqué les frontières de 1967.

Sur l'Iran, c'est très clair, l'Iran a essayé manifestement de profiter d'une actualité arabe heureuse pour faire oublier sa marche inexorable vers le nucléaire militaire, marche qui est parfaitement inacceptable. Nous en avons parlé en détail et nous allons prendre de nouvelles mesures pour renforcer encore les sanctions.

QUESTION : Dans votre introduction du e-G8, vous avez parlé d'un dialogue de responsabilités entre un secteur industriel et les chefs d'Etat et de gouvernement et vous avez décrit ce secteur comme un secteur à la fois fragile et puissant. Je sais qu'il y a autre chose qui est fragile et puissant dans ce monde, c'est la jeunesse. Vous avez donné votre haut patronage pour le G8 et le G20 des jeunes la semaine prochaine et je voulais savoir comment est-ce que vous voyez l'avenir de cette initiative et comment est-ce que vous espérez continuer d'intégrer une génération comme on l'a vu en Espagne ou dans le monde arabe qui cherche encore sa place dans la mondialisation ?

LE PRESIDENT : On ne peut pas comparer ce que fait la jeunesse arabe en Tunisie, en Egypte et ce qu'elle fait en Espagne, parce que l'Espagne c'est une grande démocratie. Franchement, loin de moi l'idée d'enlever du mérite à la jeunesse espagnole ou à la partie de la jeunesse espagnole qui manifeste, mais enfin, ce n'est quand même pas tout à fait le même engagement que de manifester en Tunisie ou en Egypte, qui n'étaient pas des démocraties, qui aspirent à le devenir.

Pour le G8 de la jeunesse comme pour l'e-G8 la présidence peut avoir des idées, faire des propositions, mais après c'est aux acteurs de s'en emparer, ce n'est pas nous qui devons de façon un peu artificielle porter les projets.

Le e-G8 maintenant aura lieu chaque année, parce que les acteurs de l'Internet ont décidé de s'en saisir. C'est cela, la bonne démarche, ce n'est pas aux Etats de porter les idées. On peut éventuellement mettre une idée sur la table, amorcer un processus mais après, si c'est nous qui devons le faire vivre en permanence, cela prouve que c'était artificiel. Il en va donc ainsi pour le G8 de la jeunesse. On peut d'ailleurs décliner d'autres G8. On pourrait décliner le G8 des artistes. Il y a beaucoup d'idées, des sportifs. Il y a beaucoup d'idées que l'on pourrait décliner mais elles dépendent du relais que l'on trouve en face. Si le e-g8 a si bien marché, c'est parce que le monde de l'Internet s'est emparé de cet évènement, l'a fait vivre, que des millions d'internautes l'ont suivi et cette idée ne m'appartient plus du tout. Vous comprenez, la présidence française a avancé l'idée, cette idée ne nous appartient plus et tant mieux. Elle fonctionne et chaque année, il y aura un e-G8, c'est cela la bonne solution. Moi, je ne souhaite en aucun cas, un peu comme une chambre à air qui aurait besoin d'une rustine, pomper en permanence pour la gonfler artificiellement. C'est l'énergie des acteurs qui peuvent reprendre les idées et leur donner vie et avenir.

QUESTION : Je rebondis sur la question de mon confrère au sujet de la direction générale du FMI que vous avez évoqué ce matin avec M. OBAMA. Je voulais savoir si vous considérez que la candidature de Mme LAGARDE est à même de réparer les blessures qui ont pu être faites à l'image de la France par l'arrestation de M. STRAUSS-KAHN et si vous êtes personnellement choqué par les conditions de détention particulièrement luxueuses de M. STRAUSS-KAHN à New-York ?

LE PRESIDENT : Vraiment, je me suis abstenu de prendre parti sur cette question parce que vous savez parfaitement bien tous les procès qui me seraient faits, quoi que je dise et vous le savez très bien. Je ne vous en fais pas le reproche, vous me posez la question. Je pense que tout ceci est suffisamment triste pour que l'ensemble des responsables politiques essaye de garder de la hauteur de vue et de la dignité, parce que devant tous ces évènements, il y a des sentiments mêlés qui peuvent être contradictoires et qui appartiennent à l'intime de chacun et donc je ne crois pas qu'en tant de chef de l'Etat, j'aie à prendre parti.

Il y a la justice américaine, il y a le FMI. Vous me dites : « cela porte gravement atteinte à l'image de la France », mais je ne savais pas que M. STRAUSS-KAHN représentait la France. Il représentait le FMI. Est-ce que vous me dites : « cela porte gravement atteinte à l'image du FMI » ? Le directeur adjoint du FMI était là, on a parlé avec lui, on a besoin du FMI.

Je veux m'en tenir à cette position de recul et, je l'espère, de hauteur de vue sur le sujet. Franchement, certains commentaires que j'ai entendus me confortent dans ma décision de me tenir un peu éloigné, parce qu'il y a des choses que l'on a entendues que l'on aurait préféré ne pas entendre ; des choses que l'on a vues et préféré ne pas voir, des choses entendues franchement que l'on aurait préféré ne pas entendre. Et cela n'a rien à voir pour moi avec des questions de politique, de gauche ou de droite, de majorité et d'opposition. Franchement, il y a des propos extrêmement choquants qui ont été tenus. Je m'en tiendrai là en m'excusant.

QUESTION : Pendant ce sommet, vous avez annoncé avec le Président MEDVEDEV la vente des Mistral avec un transfert de technologie très important. Cette vente a suscité quelques inquiétudes dans plusieurs pays voisins de la Russie, est-ce que pour vous cette inquiétude est justifiée ? Que pouvez-vous dire à ces pays qui expriment cette inquiétude et que pouvez-vous dire à ceux qui pensent que cette transaction était une sorte de monnaie d'échange pour le soutien russe dans le dossier à propos de la Libye ?

LE PRESIDENT : On n'échange pas un BPC contre une position politique d'un grand pays comme la Russie. La Russie est grande comme, si mon souvenir est exact, comme 46 fois la France. La Russie c'est une superficie deux fois les Etats-Unis d'Amérique. La Russie a entre 130 et 140 millions d'habitants et elle perd 6 à 700 000 habitants chaque année. La Russie n'occupe pas la totalité de sa superficie. Présenter la Russie comme un pays voulant envahir ses voisins et étant une menace face à l'Union européenne, je pense que c'est une analyse extrêmement datée et extrêmement fausse. Voilà moi, ce que je pense, je vous le dis. Si l'Union européenne n'a que comme seul adversaire la Russie, franchement, c'est que la situation est bien stable.

Deuxièmement, la Russie est un grand pays avec des matières premières. L'Europe a beaucoup de technologies, nous avons tout à construire ensemble.

Enfin quand nous avons vu avec M. JUPPE à Lisbonne, le président des Etats-Unis et le président de la Russie au sommet de l'Otan, on s'est dit : « ah, enfin, le mur de Berlin est tombé, la guerre froide c'est fini ». Alors si les Russes sont des alliés, au nom de quoi ne pas leur vendre un bateau ? Et vous croyez que c'est avec les quatre BPC qui vont partir envahir ? Qui d'ailleurs ?

Et quant à mes nombreux amis en Géorgie, je crois qu'aujourd'hui, puisque j'y étais invité en voyage, ils ont bien évolué sur la question de l'accord de 2008. Ils savent bien que c'est parce que la France était présidente de l'Union européenne que la Géorgie d'aujourd'hui est totalement libre de la Russie. Il a fallu arrêter des chars à 40 kilomètres de Tbilissi. Et moi, je n'oublierai pas que M. MEDVEDEV a tenu parole.

Voilà, donc, soit on est ami, soit on ne l'est pas. Mais si on est ami, si on est partenaire et si on est allié, je ne vois vraiment pas pourquoi on ne devrait pas avoir des projets ensemble. Vous me dites : un transfert très important de technologie, un transfert de technologie, parce que tous les pays du monde quand on leur vend quelque chose, demandent la technologie, quel que soit le domaine et quel que soit le pays.

Vous savez il y a une chose dont je suis sûr, si ce n'est pas nous qui les avions construit, d'autres, y compris en Europe, auraient été heureux de les construire. Je pense notamment à nos amis espagnols.

Franchement, j'assume la décision. Vous m'avez toujours entendu dire la même chose. Il n'y a pas d'accord caché, on n'a pas besoin. D'ailleurs, au moment où on a conclu, je ne pense pas que l'affaire libyenne était commencée, puisque j'étais à l'époque au chantier de Saint-Nazaire et nous n'étions pas engagés en Libye. Donc, il n'y a pas de lien entre les deux dossiers. Lorsque M. MEDVEDEV, s'est abstenu simplement sur la résolution 1973, on n'avait pas terminé notre négociation des contrats.

QUESTION : Monsieur le président, il y a quelques semaines vous avez accepté une invitation du CNT à vous rendre à Benghazi. Est-ce que vous avez avancé sur le projet et quand comptez-vous vous y rendre.

LE PRESIDENT : Oui, j'en ai parlé à plusieurs reprises, d'ailleurs avec Alain JUPPE et le président JIBRIL qui est un homme de grande qualité, à la tête du CNT. Il m'a renouvelé cette invitation. Nous irons, Alain JUPPE et moi, le moment venu à Benghazi. Mais nous souhaitons qu'à ce moment, lorsque le moment sera venu, on puisse en faire une visite de travail et rencontrer l'ensemble de ceux qui veulent construire la Libye démocratique de demain. Et c'est tout à fait en accord avec les membres du CNT. Et je précise d'ailleurs que, dans notre idée, nous en avons parlé avec David CAMERON, ce devrait être une initiative franco-britannique. Nous sommes liés, nous avons la même analyse. Ce serait, me semble-t-il, assez maladroit de faire séparément. Donc, oui, c'est toujours d'actualité. Pour un certain nombre de raisons, nous n'avons pas encore fixé la date.

QUESTION : Pourquoi le G8 n'a pas opté pour l'annulation de la dette tunisienne ? Et est-ce qu'on pourrait nommer le e-G8, le e-G9, puisque Mark ZUCKERBERG est à la tête d'une population qui dépasse de loin plusieurs pays occidentaux ?

LE PRESIDENT : C'était un message pour Mark ZUCKERBERG, il y sera sensible. Pour la question de l'annulation de la dette, comme vous le savez, on ne ferme pas du tout la porte, M. JUPPE et moi, mais cela ne se passe pas dans le cadre du G8, je crois que c'est le Club de Paris. Cela va peut-être paraître lourd à nos amis tunisiens, mais il y a des règles, parce qu'il y a beaucoup de pays pauvres, malheureusement, des pays plus pauvres que la Tunisie, que si on décide pour l'un de façon unilatérale, naturellement se pose la question de tous les autres. Donc, ce n'est pas du tout une porte qui se ferme, on va avoir l'occasion de parler de tout cela, parce que M. JUPPE va réunir tous les ministres des Affaires étrangères du G8 avec les ministres des Affaires étrangères égyptien et tunisien. On va faire pareil pour les ministres des Finances, parce qu'à partir du moment où l'on a défini nos cadres et l'enveloppe général de 40 milliards de dollars, maintenant il faut toute la mise en œuvre. Cela ne se fait pas comme cela. Il y a un immense travail technique à continuer.

QUESTION : Encore une question sur la Libye. Il y a aujourd'hui des fonds substantiels libyens qui sont gelés à travers le monde, des fonds qui sont gelés en vertu de la décision de l'ONU, est-ce que vous avez durant ce G8 discuté d'un éventuel dégel de ces fonds en faveur du conseil national, enfin du conseil à Benghazi, avec tout ce que cela impliquerait évidemment de reconnaissance accrue de ce même conseil ? Et d'ailleurs, quel est votre avis personnel sur cette question qui n'est pas simple ?

LE PRESIDENT : Mon avis, c'est que j'aimerais que cela aille plus vite, parce que le CNT a besoin de moyens. Les fonds dont vous parlez sont des avoirs illégalement détenus à l'étranger par un certain nombre de personnalités libyennes associées au pouvoir actuel. Mais cela engage des problèmes juridiques, car nous sommes des Etats de droit et dans les Etats de droit, la fin ne justifie pas forcément les moyens. C'est pour cela que c'est un peu lourd. C'est l'un des dossiers sur lesquels travaille le plus activement M. JUPPE, parce que bien sûr le CNT a besoin d'argent. Il y a cet argent qui est bloqué et cela ne va pas assez vite.

Mesdames et Messieurs, je voudrais en profiter, avant de vous remercier pour avoir bien voulu couvrir ce G8, remercier nos amis normands, remercier la population de Deauville, que j'imagine on a bien gênée. Les choses n'ont pas été simples pour elles, pour eux. Mais enfin, sans doute ils se consoleront en imaginant que leur ville et leur région ici, présentes devant les caméras de télévision du monde entier.

Et puis je trouve que la Normandie nous a réservé ses plus beaux atours avec un temps normand sans excès, c'est-à-dire un magnifique ciel de traine, quand même du soleil et vraiment très, très peu de pluie. Je sais que la pluie est attendue par les agriculteurs y compris ici, mais c'était vraiment une façon de montrer qu'en Normandie, il y a du mouvement et que chaque minute que l'on vit sur le sol de cette région est différente. Voilà, et on comprend pourquoi tous ces peintres et tous ces écrivains sont tombés amoureux de la Normandie. Hier soir on dînait tous ensemble, cela a duré jusqu'à assez tard, mais on était face à la plage et il y avait ce ciel extraordinaire qui, pendant le repas, a changé du tout au tout et je puis vous dire notamment que Mme MERKEL y a été très sensible. Et si Angela est sensible et heureuse au G8, alors c'est que le G8 était quand même une belle réussite.

Merci à tous.

Source: Présidence française du G8 et G20


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