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[English original]
M. Kirton: Merci. Pour répondre à la première question, il
faut bien comprendre qu'il est beaucoup plus facile de créer des
institutions internationales qui dès lors acquièrent une forme de
vie bureaucratique qui leur est propre et qui s'imposent entre
autres dans le financement non discrétionnaire des enveloppes des
ministères des Affaires étrangères et du Commerce international.
Leurs objectifs ont pu être justifiés au moment de leur création,
mais on n'a pas prévu dans les institutions ce que je conçois comme
un examen des programmes internationaux.
Même au sein des Nations Unies, pour donner un exemple, nous avions dans la génération de San Francisco, créé l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, qui a son siège à Rome. Dans les années 1970, nous avons ajouté le Programme alimentaire mondial que nous continuons de financer. Nous continuons aussi de financer une troisième institution, le Fonds international de développement agricole, le FIDA. Même à l'ONU, il semble exister trois institutions ratissant largement le même espace politique.
C'est en pensant à cela que je dis qu'il faudrait un examen bien ciblé. Il faudrait tout d'abord un relevé complet.
La deuxième question est de savoir si ces institutions font effectivement et efficacement ce pourquoi elles ont été créées. Je pense que la méthodologie existe et qu'on peut la transposer au niveau international, cette méthodologie qu'on a mise au point ici à Ottawa depuis un an ou deux.
On se demande aussi si le vaste système multilatéral des institutions régionales dédouble plus les fonctions qu'il n'apporte d'aide. Le gouvernement canadien finance, dans une assez forte proportion, l'Organisation mondiale de la santé, mais aussi l'Organisation panaméricaine de la santé, l'OPS.
Il peut y avoir à l'échelle de l'hémisphère des maladies ou des questions de santé particulières, mais il se peut très bien que cette stratification ne soit plus nécessaire, bien qu'elle ait pu avoir sa raison d'être à la fin des années soixante quand nous avons créé l'OPS. Il est arrivé en effet, je pense, que le Canada se retire d'une institution de l'ONU--l'ONUDI par exemple--mais on ne s'est pas vraiment systématiquement penché sur cette question.
La grande question des institutions financières internationales et des banques multilatérales de développement en découle en quelque sorte. Par exemple, nous et la Grande-Bretagne avons, à mon avis, à très juste titre, financé la Banque de développement des Cara‹bes et son service de prêts de faveur. Les états-Unis et le Japon quant à eux ne contribuent pas à la Banque de développement des Cara‹bes.
Ils contribuent--répondent-ils--aux grandes institutions de Bretton Woods ainsi qu'à la Banque interaméricaine de développement, mais, à ce niveau subordonné de régionalisme, ils sont absents. C'est assez étonnant, étant donné la position des états-Unis en tant que puissance des Cara‹bes et, bien sûr, la tendance structurelle du Japon à s'imposer à long terme comme le principal créancier du système international et, à ce titre, à devenir à proprement parler un pays ayant des responsabilités à l'égard du reste du monde.
C'est compte tenu de tout cela que le G-7 nous est apparu comme le forum idéal pour entamer un dialogue avec les pays bien nantis au sujet du partage approprié du fardeau et des responsabilités régionales. Un bon nombre de nos collègues non nord-américains ne contribuent qu'environ 1 p. 100 de leur part à la Banque interaméricaine de développement, ce qui laisse au Canada une part disproportionnée pour sa région d'attache. Toutefois, dans les différentes régions du monde où ils ont depuis longtemps un attachement historique, nous assurons un financement de loin supérieur à cette part de 1 p. 100, ce qui est normal pour le club. Je pense que c'est le dialogue que nous devons entamer, l'accent étant d'abord vraiment mis sur la contribution accrue de nos collègues du G-7 aux institutions fonctionnant dans les régions qui en ont besoin.
M. Martin: Pensez-vous que les institutions financières internationales devraient consacrer une part accrue de leurs fonds à l'octroi de prêts de faveur? Aussi--c'est ma dernière question--quel sera selon vous l'effet prédominant de la croissance démographique mondiale sur le développement ainsi que de la réduction de l'aide provenant des nations industrialisées?
M. Kirton: Je pense vraiment qu'il faut moderniser l'approche dans le système des institutions financières internationales. C'est pourquoi nous devons à tous ces égards insister fortement sur la démilitarisation, comme je le mentionnais.
Il y a à cela bien des raisons bien concrètes. Je me souviens des sommets de 1989, de 1990 et de 1991, quand nous levions des fonds pour soutenir l'accès à la démocratie et à la transformation du marché de l'Union soviétique puis de la Russie. Il était très difficile pour certains de nos grands partenaires du G-7 de comprendre pourquoi il leur fallait donner quand le pays en question accordait une aide de l'ordre de 5 milliards de dollars à des pays voisins qu'ils considéraient comme hostiles. Pour ce qui est du Japon, bien sûr, qui a de très faibles niveaux de dépenses militaires par personne et proportionnellement à son PNB, il est difficile de l'amener à fournir l'argent dont le système a besoin au moment même où il voit de nombreux bénéficiaires potentiels conserver de fortes installations militaires. Cette approche donc, je pense, serait bénéfique tant du point du donateur que du destinataire.
Il y a par ailleurs une deuxième chose. C'est une des raisons pour lesquelles j'exempterais l'Afrique d'une bonne partie de tout cela, et je précise peut-être ici un point présenté par Gerry Helleiner. La tentation est grande de considérer un bon nombre des problèmes de l'Afrique comme étant régionaux. En réalité, je pense que les exigences du développement durable montrent qu'il s'agit bel et bien de problèmes planétaires. Les contributions que nous faisons en Afrique, dans des pays comme la Chine, pour régler des questions de démographie et pour permettre directement la réalisation d'objectifs de développement durable, présentent des avantages directs et assez immédiats pour le Canada même. Il faudrait donc mettre l'accent sur la nécessité de cibler certaines zones géographiques et certaines régions pour tenir compte des nouvelles preuves scientifiques du réchauffement de la planète et d'autres questions, sans oublier la modernisation de l'après-guerre froide.
Un bon nombre des problèmes des sociétés africaines, pour conclure, ne résultent pas d'un lointain impérialisme de souche européenne... le résultat des rivalités inhérentes à la guerre froide des 50 dernières années. Maintenant que la guerre froide est terminée, il faut s'occuper en premier lieu de reconstruction.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirton.
M. Flis (Parkdale--High Park): J'aimerais poser deux ou trois questions aux différents témoins. Je pose la première à M. Kirton, parce que vous avez dit que nous contribuions une part disproportionnée aux institutions financières internationales. Ma question a trait à notre participation au sommet du G-7. Avons-nous, dans les ententes du sommet du G-7, un poids proportionnel à notre très grande contribution aux institutions financières internationales? Ou est-ce que malgré notre contribution disproportionnée, nous n'en avons pas vraiment pour notre argent?
Je m'adresse à M. Helleiner et peut-être aussi à M. Bertrand. On nous parle beaucoup, et c'est surtout le cas des ONG, du problème de la conditionnalité des prêts. M. Paré s'est entendu répondre par M. Helleiner que c'est là le nouvel impérialisme. Ayant déjà été banquier, j'ai toujours trouvé que tous les créanciers pensaient que la banque avait un point de vue impérialiste.
Quelle différence y a-t-il entre la conditionnalité, qui équivaut à une gestion de fonds responsable, si je peux dire, et une ingérence indue? Est-ce que vous nous donnez à entendre, monsieur Helleiner, que nous deviendrions les tenants du nouvel impérialisme si nous disions à nos institutions mondiales qu'elles ne devraient pas prêter de l'argent au Za‹re si 5 milliards de dollars doivent aboutir dans un compte bancaire privé de M. Mobutu en Suisse, que nous devrions pas prêter de l'argent à des pays qui dépensent au chapitre de l'armement alors qu'ils devraient dépenser cet argent pour aider les pauvres? Est-ce de l'impérialisme ou est-ce veiller à ce que les ressources mondiales soient correctement réparties? Comment pouvons-nous assurer cet équilibre?
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Dans vos observations, vous semblez parler de la nécessité de mieux équilibrer les structures. Nous irons à Washington, et nous espérons pouvoir poser des questions qui nous permettrons de présenter au gouvernement, avant le Sommet mondial, un rapport sur des façons concrètes de réformer les institutions. Mais on doit répondre à des questions d'ensemble; on ne peut pas répondre à des questions trop précises. Ce sont-là mes deux questions.
M. Kirton: Merci.
Pour ce qui est de la première, je dirais que le Canada a vraiment une influence au sein du G-7, une influence au moins proportionnelle à sa contribution réelle aux institutions financières internationales, bien que cela n'en soit pas un effet direct. En partie, notre influence tient à la nature assez unique du groupe, un petit club axé sur le consensus; quand tout va bien--de chefs d'état et de gouvernements. Je pense que nous avons déjà été témoins d'exemples de l'exercice de cette influence. Avec M. Mitterrand, M. Trudeau avait refusé qu'ait lieu le Sommet de M. Reagan en 1983 à Williamsburg tant qu'il n'aurait pas accepté certains ajustements contribuant à une approche plus conciliante à l'égard de l'Union soviétique. En 1987, M. Mulroney avait refusé de permettre la poursuite du Sommet si on ne traitait pas de la question de l'Afrique du Sud. Je pense que cela a beaucoup contribué à la transition à la démocratie en Afrique du Sud.
Si l'on examine l'expérience des derniers sommets--et plus particulièrement la façon dont ont été respectés les engagements officialisés dans les derniers communiqués puisqu'au bout du compte, cela n'a aucun sens d'en arriver à une entente à Halifax, ou ailleurs, si on ne la respecte pas dans les mois ou les années qui suivent--je pense que nous pouvons dire que le Sommet semble avoir été une réussite, qui a permis d'en arriver à des ententes et de prendre des engagements qui sont respectés dans les domaines du commerce, de l'énergie et de l'environnement et, dans une autre mesure, en matière d'endettement et de développement. C'est pourquoi, je pense, nous voyons le Canada insister particulièrement sur les réalisations des sommets à ces égards et voyons ce qu'il a lui-même à accomplir.
Le processus de réduction de la dette entrepris aux conditions du Sommet de Toronto en 1988, par exemple, pourrait et devrait se prolonger dans les conditions du Sommet de Halifax, par lesquels nous soumetterions aux institutions multilatérales la question théoriquement plus épineuse de l'allégement effectif de la dette et de la résolution de la question du risque moral. C'est dans des discussions comme celle-là que la voix du Canada acquiert une portée accrue du fait de sa capacité à fournir des ressources réelles au système multilatéral. Donc, bien qu'il y ait des éléments de rapports, de façon générale, le degré réel de contribution financière n'est pas la cause des nombreux succès que nous avons connus.
Le président: Monsieur Helleiner, au sujet de la conditionalité...
[Text original en français]
Mr. Bertrand, maybe you would like to add something.
[English original]
M. Helleiner: Je ne connais personne qui occupe un
poste de responsabilité, dans des pays en développement ni
ailleurs, qui préconisent la suppression des conditions imposées
par ceux qui assurent un financement--personne. Mais le...
Le président: Tout dépend des conditions.
M. Helleiner: Il y a deux raisonnements. D'abord, la proportion du financement total qui devrait être disponible d'une façon assez inconditionnelle pour faire face à des catastrophes, à des sécheresses, à l'effondrement du commerce, etc.
Enfin, à l'origine du Fonds monétaire international, tout le crédit était inconditionnel. Il y avait certaines règles, et si vous satisfaisiez aux conditions, vous obteniez un financement. Nous en sommes arrivés à l'autre extrême, ou la totalité des prêts que consentent les grandes institutions financières sont assorties d'innombrables conditions. Nous nous demandons si nous ne sommes pas ainsi allés trop loin et si nous devrions pas revenir à des ententes de financement d'urgence pour faire face à des problèmes prévisibles qui ne sont pas imputables à l'emprunteur.
La deuxième question, plus épineuse, est la nature des conditions. Il y a deux grands sujets de préoccupation. L'un est d'ordre administratif. Dans la profession, on discute d'efficacité de réformes de politiques données et de l'ordre dans lequel elles sont apportées. On a commis des erreurs, qu'ont admises le FMI et la Banque mondiale.
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