|
Travaux pratiques
Discussion #2
"Le système et les sommets du G7/G8"
Lien au vidéo |
Lien à l'audio
Voici quelques pistes de questions préparées au préalable à l'intention du Professeur Philippe Faucher, puis, la discussion, filmée, qui s'en est inspiré.
1. Questions pour les preséntations #4 à #7 par Céline Füri
Concertation ouverte ou à huis clos? ertains affirment que le choix d'un lieu intime est la condition de discussion productives entre chefs d'État, et donc d'un sommet réussi, dans la mesure où un emplacement en retrait permet des rapports plus informels, plus détendus, mais aussi moins de comptes à rendre, et donc moins de perte de temps en effort de concertation; pensez-vous que le choix de Kananaskis, lieu isolé et convivial par excellence, en est un judicieux, et surtout respectueux d'une " concertation démocratique "?
Il semble que la plupart des discussions entre chefs d'État lors des sommets et des réunions préparatoires se passent à huis clos; est-ce là un manque de transparence à décrier ou les exigences de l'efficacité?
Ordre du jour: ensez-vous que la diversification des points à l'ordre du jour des rencontres du G8 est un apport constructif, ou simplement une dispersion et un gaspillage d'énergies? Le G8 a-t-il un " avantage comparatif ", devrait-il se spécialiser ou au contraire montrer un intérêt pour et une participation à tous les aspects de la gouvernance mondiale? Qu'est-ce que le G8 peut apporter de plus que l'ONU, par exemple, dans le traitement de ces questions?
Intérêts économiques ou démocratiques? eut-il y avoir conflit entre les intérêts économiques des membres du G8 et le mandat de promotion de la démocratie qu'endosse le G8? Lequel l'emporte alors?
Multilatéralisme et hégémonie états-unienne: e multilatéralisme n'est pas une approche coulée dans le béton; il semble au contraire que le degré de coopération effective entres le membres du G8 soit tributaire de l'importance de l'implication des États-Unis dans la problématique en question. Cette tendance est-elle en train de changer, surtout depuis les événements du 11 septembre, démonstration de la vulnérabilité des États-Unis? Ou la tendance hégémonique de ces derniers ne fait-elle au contraire que se poursuivre, si l'on considère la façon dont s'est initiée la " guerre au terrorisme "?
Leadership: usqu'où va la capacité d'un membre d'être " leader ", i.e. d'en influencer un autre, ou tous les autres?
Respect des engagements: omment expliquez-vous qu'un taux moyen de 43% des engagements respectés par l'ensemble des membres du G8, en matière d'environnement et de développement entre 1988 et 1995, soit considéré comme " généralement satisfaisant "?
Fermeture: u'est-ce que ce " communiqué traditionnel des chefs " (cours #7) que Jean Chrétien tente d'abolir?
2. Discussion autour du professeur Philippe Faucher et du fonctionnement du G8
Celine: Merci de nous avoir fait l'honneur de votre expertise aujourd'hui, M. Faucher. Ce système complexe de gouvernance mondiale aura sūrement soulevé plusieurs interrogations en chacun de nous. Je vous lance la première, si je puis me permettre...
Le multilatéralisme n'est pas une approche coulée dans le béton; il semble au contraire que le degré de coopération effective entres le membres du G8 soit tributaire de l'importance de l'implication des États-Unis dans la problématique en question. Cette tendance est-elle en train de changer, surtout depuis les événements du 11 septembre, démonstration de la vulnérabilité des États-Unis? Ou la tendance hégémonique de ces derniers ne fait-elle au contraire que se poursuivre, si l'on considère la façon dont s'est initiée la " guerre au terrorisme "?
Philippe Faucher: Le G8, à chaque rencontre, fait de plus en plus preuve d'initiatives qui vont dans le sens du multilatéralisme. Cela dit, ça ne nous dit rien de ce qui se passe à l'extérieur des sommets. Est-ce que les grandes décisions ne se prennent pas alors unilatéralement ou bilatéralement? Sans doute que ça dépend. Par exemple, lācher des bombes sur un pays comme l'Afghanistan comme mesure de représailles est un geste unilatéral. Dans le cas des problèmes commerciaux, par ailleurs, les pays impliqués sont condamnés à s'entendre, et ont donc recours pour ce faire à des décisions prises davantage multilatéralement, comme on le voit dans l'OMC par exemple. Enfin, pour les questions touchant l'environnement, le portrait est beaucoup moins clair. Il existe plusieurs ententes multilatérales qui ne semblent pas bouger, parfois, justement à cause de décisions unilatérales, comme dans le cas des accords de Kyoto, dont la ratification internationale est freinée par le fait entre autres que les États-Unis refusent de s'y soumettre. D'autres de ces ententes ont eu plus de succès, comme le protocole de Montréal sur les CFC .
Bref, la réponse à la question à savoir si le G8 fait réellement avancer le multilatéralisme ne peut être que compliquée et ambiguë.
Rachel: Certains affirment que le choix d'un lieu intime est la condition de discussion productives entre chefs d'État, et donc d'un sommet réussi, dans la mesure où un emplacement en retrait permet des rapports plus informels, plus détendus, mais aussi moins de comptes à rendre, et donc moins de perte de temps en effort de concertation; pensez-vous que le choix de Kananaskis, lieu isolé et convivial par excellence, en est un judicieux, et surtout respectueux d'une " concertation démocratique "?
Il semble que la plupart des discussions entre chefs d'État lors des sommets et des réunions préparatoires se passent à huis clos; est-ce là un manque de transparence à décrier ou les exigences de l'efficacité?
Philippe Faucher: Ce à quoi on assiste selon certains est ce que j'appellerais le " syndrome du nid d'aigle ", ou l'art de se tenir très loin de la population. Une telle critique n'est toutefois pas très honnête : car, peut-on vraiment avoir une rencontre ouverte avec une participation étendue, compte tenu des responsabilités du pays hôte d'assurer la sécurité, afin de favoriser l'efficacité de la rencontre (responsabilité qui est aussi celle du G8), et donc de trouver un lieu qui limite le nombre d'intervenants? Cette distance d'avec la population pose problème, car en limitant la quantité de gens sur place afin de promouvoir l'efficacité, elle donne une mauvaise image au G8. Mais lorsqu'elle n'y est pas, c'est les participants qui en pātissent : à Gênes, les chefs d'État étaient emprisonnés à la fois par les manifestants et par la police, ce qui n'est forcément pas propice à un climat efficace. En réaction à cela, Jean Chrétien veut s'assurer cette année que les débordements soient réduits au minimum, pour la sécurité des participants et le rendement de la rencontre.
Notons que ça aurait pu être pire : le sommet aurait pu s'organiser sur un bateau, un porte-avion, une forteresse flottante... là, il y aurait une vraie distance démocratique. Les montagnes ne constituent pas le meilleur lieu, la distance qu'elles imposent est regrettable... mais quelles sont les alternatives?
Les consultations, la participation croissante des ONG, la diffusion de l'information font partie de la promotion de la transparence nécessaire pour régler le problème de la distance. Des améliorations à cet égard sont en cours. Mais d'un autre côté, est-ce que la démocratie veut nécessairement dire que tout le monde discute de tout en même temps? On parle ici d'un système de représentation : le G8 est formé d'élus de chaque pays membre. C'est cela aussi, la démocratie.
L'éventail de représentation prévu à Kananaskis est imparfait, mais il démontre tout de même une volonté et un effort d'inclure la société civile - même si ce sera à échelle réduite.
Gabrielle: Le G8 est quand même un cercle fermé, sans grande preuve de démocratie à mon avis. Les membres qui participent aux sommets sont élus, soit, mais il n'y a pas pour autant de consultation avec la population. Cela se voit clairement par exemple dans le cas du NEPAD (le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique, initiative africaine en voie d'être approuvé à Kananaskis) : les dirigeants africains ont monté ce plan et participent actuellement à des négociations à son sujet, mais tout cela sans avoir jamais demandé l'avis de la population africaine. Ça engendre beaucoup de frustration là-bas.
Philippe Faucher: Il ne faut pas confondre participation et unanimité. Une fois que tous les points de vue sont donnés, quelqu'un doit prendre la décision finale, qui ne fera pas plaisir à tous, c'est évident. Au Canada, par exemple, le rôle de l'opposition dans le système politique est très important. Les débats en commission servent à construire des consensus. Néanmoins il y a forcément un grand nombre de gens insatisfaits par les décisions prises, que ce soit à l'échelle nationale ou à l'échelle internationale. L'existence d'une opposition n'est pas une manifestation d'absence de démocratie, mais au contraire l'expression de la force de la démocratie.
Rachel: Oui, mais dans le cas du NEPAD, il ne s'agit pas de participation, mais seulement de consultation!
Philippe Faucher: Consultation auprès de qui? Les ONG doivent représenter quelque chose, quelqu'un; or ont-elles un mandat, sont-elle démocratiques? Il serait difficile, délicat, voire impossible pour les membres du G8 d'envoyer les gouvernements africains consulter leur populations. Il semble y avoir déjà un consensus sur les lignes à suivre (dans le NEPAD), alors on se lance... Au moins comme ca on peut faire les plans de base, quitte à opérer ensuite des ajustements. Le G8 sert précisément à mettre la machine en marche. Les gouvernements du G8 ne peuvent pas se substituer aux dirigeants des pays africains, ni mettre en doute la légitimité de leur mandat.
Celine: Donc, on fait face au problème de l'efficacité au détriment de la consultation.
Philippe Faucher: Le mot " détriment " pose problème il me semble; a priori, les deux pourraient se faire ensemble.
Juda: Pourquoi l'Afrique n'est-elle pas membre du G8? La Russie l'est devenue lorsqu'il a été question de faire des liens entre l'Est et l'Ouest, pourquoi pas faire pareil pour le Sud et le Nord?
Philippe Faucher: Le G7 au départ était mandaté pour assurer la stabilité du système financier. Les sommets se jouent donc principalement entre gros joueurs. Les États-Unis ont toujours prédominé, à cause de leurs ressources et de leur puissance militaire. Les marché dits " émergents ", sont des acteurs importants de par les opportunités d'investissement offerts par leurs marchés. C'est le cas de l'Inde, de l'Indonésie, de la Chine, du Brésil. Avant d'incorporer l'Afrique, on va plutôt vouloir inclure ces pays.
Celine: Comment expliquez-vous qu'un taux moyen de 43% des engagements respectés par l'ensemble des membres du G8 entre 1988 et 1995, en matière d'environnement et de développement, soit considéré comme " généralement satisfaisant "?
Philippe Faucher: Cela dépend toujours des attentes qu'on a; personnellement, je me serais attendu à beaucoup moins! C'est trop tôt maintenant pour donner un verdict définitif : il faut du suivi ą long terme, c'est ça qui est important. Donc un engagement pas immédiatement réalisé ne veut pas dire qu'il ne verra jamais le jour, mais, bien souvent, qu'il " mijote ". Le développement de l'Afrique en est un bon exemple; l'initiative d'un plan de relance pour ce continent remonte à une proposition émise par Mitterrand, qui souhaitait qu'on offre un support plus grand aux pays africains. L'idée a fait son chemin, lentement mais sūrement.
|