Mesures visant à contrer le recours abusif au système financier mondial
Rapport des ministres des Finances du G-7 aux chefs d'État et de gouvernement
Juillet 2000 (version non officielle)
Table des matières
A. Défis et démarche préconisée.
B. Blanchiment d'argent.
C. Refuges fiscaux et autres méthodes fiscales préjudiciables.
D. Centres financiers extraterritoriaux.
E. Rôle des institutions financières internationales.
A. Défis et démarche préconisée
Le crime financier devient une préoccupation de plus en plus importante sur le marché
financier mondial et ouvert tel que nous le connaissons aujourd'hui et qui est
caractérisé par une forte mobilité des fonds et la mise au point rapide de nouveaux
outils de paiement. Pour concrétiser les avantages du système financier international,
nous, ministres des Finances des pays du G-7, devons garantir que sa crédibilité et son
intégrité ne sont pas affectées par le crime financier. En outre, pour lutter
efficacement contre le recours abusif au système financier mondial, nous devons proscrire
les normes de réglementation de piètre qualité, le secret bancaire excessif et la
concurrence fiscale préjudiciable.
- Les gouvernements doivent intensifier leur coopération et raffermir les
cadres internationaux afin de combattre effectivement le blanchiment d'argent et la
concurrence fiscale préjudiciable, et améliorer l'observation des normes
internationales et la saine gouvernance. Nous devons donc mieux coordonner nos efforts et
faciliter davantage ceux déjà déployés sur plusieurs tribunes internationales ainsi
que favoriser des mesures de suivi rapides. Nous devons également promouvoir la
coopération internationale entre les organismes chargés de l'application de la loi
et les autornomiques (OCDE).
- Biens volés :
Le blanchiment d'argent à l'échelle
internationale a souvent permis aux fonctionnaires de faciliter le détournement
clandestin de biens publics. La vulnérabilité des institutions publiques à ce genre de
crime peut atteindre des proportions importantes dans les pays à régime démocratique
émergent et dans les pays oł l'économie est en développement ou en période de
transition. Nous convenons qu'il serait utile de tenir compte des mécanismes
juridiques en place et des organismes qui les appliquent dans chacun de nos pays de
manière à pouvoir déterminer, suivre et saisir les biens ainsi blanchis; il
s'agirait de la première étape d'un processus visant à accroître la
coopération internationale dans ce domaine.
C. Refuges fiscaux et autres méthodes fiscales préjudiciables
- Nous réitérons la nécessité de prévenir la concurrence fiscale
préjudiciable, qui a pour effet de biaiser le comportement économique et de miner les
assiettes fiscales nationales. Nous soulignons le rapport sur les progrès réalisés pour
déterminer et éliminer les méthodes fiscales préjudiciables, déposé à
l'occasion de la réunion du Conseil des ministres de l'OCDE, en juin 2000,
et qui renfermait deux listes : certains territoires qui respectent les critères
concernant les refuges fiscaux, et les régimes éventuellement préjudiciables au sein
des pays membres de l'OCDE. Nous encourageons l'Organisation à poursuivre ses
efforts en vue de lutter contre les méthodes fiscales préjudiciables. À cet égard,
nous appuyons la poursuite des efforts des pays membres de l'OCDE dans le but
d'éliminer les facteurs préjudiciables de leurs régimes fiscaux préférentiels.
Nous soulignons les engagements publics déjà pris par des territoires en vue
d'éliminer les méthodes fiscales préjudiciables et nous leur demandons tous de
prendre de tels engagements. Nous nous engageons à appuyer les efforts de l'OCDE en
vue d'intensifier le dialogue avec les pays non membres.
- Nous réitérons notre appui au rapport de l'OCDE sur
l'amélioration de l'accès à l'information bancaire à des fins fiscales,
et nous demandons à tous les pays qui utilisent ce rapport à titre de point de départ
de prendre rapidement des mesures pour pouvoir donner à tous les consommateurs
l'accès à l'information bancaire et d'en favoriser le partage à des fins
fiscales.
- Bien que l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent constituent des
crimes différents, il existe plusieurs similitudes entre les méthodes utilisées. Nous
soulignons les progrès réalisés grâce aux efforts conjoints du Comité des affaires
financières (CAF) de l'OCDE et du GAFI au sujet du partage de l'information.
Nous désirons poursuivre le dialogue entrepris par le CAF et le GAFI et qui leur
permettra de porter attention aux études conjointes, notamment celles portant sur les
typologies utilisées par les personnes qui pratiquent l'évasion fiscale et les
blanchisseurs d'argent.
D. Centres financiers extraterritoriaux
- Les efforts en vue de freiner le crime financier et de prévenir
l'évitement fiscal et l'évasion fiscale sont minés par les soi-disant
« centres financiers extraterritoriaux » (CFO) qui ne se conforment pas aux
normes internationales. Outre les initiatives en cours au sein du GAFI et de l'OCDE,
le rapport du groupe de travail du Forum sur la stabilité financière (FSF) à
l'égard des CFO renferme des recommandations visant à accroître
l'observation, par ces centres, des normes internationales sur la surveillance et la
coopération financière, et à accorder la priorité immédiate aux enjeux touchant la
coopération transfrontalière et le partage de l'information, aux pouvoirs et
pratiques de surveillance essentiels, et à l'identification des clients et à la
tenue de registres. Ensemble, ces trois initiatives portent sur trois questions
névralgiques : l'insuffisance des normes de lutte contre le blanchiment
d'argent, les méthodes fiscales préjudiciables et la piètre qualité de la
réglementation financière. Nous appuyons ces initiatives et demandons à ces organismes
de collaborer les uns avec les autres et de coordonner leur action, le cas échéant, pour
enrayer le problème des CFO.
- Nous demandons aux CFO de réagir positivement à ces initiatives en
appliquant toutes les recommandations susmentionnées et en améliorant leurs systèmes à
l'égard des huit éléments ci-après.
- Coopération internationale : Nous prévoyons que les autorités chargées
de la lutte contre le blanchiment d'argent, et de la réglementation fiscale et
financière collaboreront étroitement pour combattre le crime financier transfrontalier,
l'évasion fiscale et le recours abusif à la réglementation. Ces autorités doivent
favoriser une surveillance courante efficace des activités transfrontalières des
institutions financières.
- Partage de l'information : Les autorités chargées de la
conformité aux mesures fiscales et de la lutte contre le blanchiment d'argent, et les
autorités chargées de la réglementation doivent être en mesure de partager
l'information avec les organismes équivalents d'autres territoires.
- Détermination des clients : Tous les territoires doivent
interdire l'ouverture de comptes anonymes et exiger que les institutions financières
établissent l'identité véritable de leurs clients. La structure des sociétés et
des organismes fiduciaires ne doit pas prévoir de mécanisme permettant de dissimuler
illégalement la propriété, et elle doit empêcher l'expansion de l'évasion
fiscale, du blanchiment d'argent et du recours abusif à la réglementation.
- Abolition de mesures de protection excessives : Tous les
territoires doivent veiller à ce que les règles touchant le secret bancaire
n'empêchent pas l'application de normes internationales, ne nuisent pas aux
enquêtes criminelles, fiscales et réglementaires, et ne contraignent pas la coopération
efficace avec les autorités étrangères.
- Examen approfondi des institutions financières : Des mesures
efficaces doivent faire en sorte que les institutions financières et leur direction ne
soient pas infiltrées, contrôlées ou influencées par des criminels ou par des
personnes ou des groupes possédant des antécédents en matière de recours abusif à la
réglementation.
- Ressources accrues pour la surveillance financière et la conformité aux
règles de lutte contre le blanchiment d'argent : Les territoires qui tirent des
avantages économiques de la prestation de services financiers transnationaux doivent
consacrer des ressources suffisantes pour prévenir efficacement le recours abusif à ces
services. Des ressources suffisantes doivent notamment être affectées à la
réglementation financière, à l'application de normes de lutte contre le
blanchiment d'argent et à la coopération avec les autorités étrangères.
- Amélioration de la législation : Tous les
territoires doivent criminaliser le blanchiment du produit de tous les crimes graves. Ils
doivent en outre accorder des pouvoirs efficaces aux organismes de réglementation
financière et leur permettre d'imposer des peines. De plus, ils doivent veiller à
ce que les lacunes de leur législation n'empêchent pas la tenue d'enquêtes
sur le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et le recours abusif à la
réglementation.
- Élimination des mesures fiscales préjudiciables : Nous
prévoyons que tous les territoires collaboreront à l'échelle internationale pour
déceler et abolir les méthodes fiscales préjudiciables.
- Si les territoires accordent un appui politique ferme aux normes
internationales, en plus de les respecter et de réaliser des progrès en vue de leur mise
en uvre, nous sommes disposés à leur offrir une aide et un soutien techniques, que
ce soit de façon directe ou par l'entremise d'organismes internationaux
pertinents.
- Si les territoires n'appliquent pas certaines normes et ne
s'engagent pas à relever le niveau d'observation des normes internationales,
nous prendrons des mesures pour les inciter à apporter les changements nécessaires et à
protéger le système financier international contre les effets de ces lacunes. Ces
mesures pourraient englober :
- des incitations au marché, notamment la communication, c'est-à-dire que
l'évaluation de la conformité d'un territoire aux normes de réglementation
internationales est intégrée à son évaluation des risques et donne suite au coût des
activités de ces institutions sur ce territoire;
- des stimulants publics appliqués par le secteur public et qui
pourraient être précisés davantage dans le cadre des activités d'organismes
internationaux et par une participation à ces activités, et des incitations nationales
en matière de surveillance et de réglementation;
- des mesures visant à protéger le système financier international,
notamment (i) des exigences précises pour que les institutions financières accordent une
attention spéciale à toutes les opérations financières avec des territoires non
coopératifs, (ii) des exigences touchant la déclaration de certaines opérations
financières avec des particuliers ou des personnes morales exerçant leur activité à
partir de territoires non coopératifs, et (iii) des mesures conçues pour limiter des
opérations financières, les assujettir à certaines conditions ou même les interdire au
sein de ces territoires.
- Nous demanderons aux organismes pertinents d'examiner les progrès
réalisés à l'égard de toutes ces questions.
E. Rôle des institutions financières internationales
- Le blanchiment d'argent et la corruption menacent la crédibilité et
l'efficacité des programmes des institutions financières internationales (IFI), de
même que l'intégrité des IFI proprement dites. Par conséquent, nous demandons au
Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale de poursuivre l'examen
approfondi de leurs méthodes et mesures de contrôle financier et de celles de leurs
bénéficiaires, et d'améliorer les façons de raffermir les mesures de protection
touchant l'utilisation de leurs fonds, de même que leurs méthodes de gouvernance et
de lutte contre la corruption à l'intérieur de leurs programmes.
- Les activités de blanchiment d'argent peuvent engendrer de graves
distorsions macroéconomiques, l'affectation erronée de ressources et de capitaux
partout dans le monde, et un plus grand risque prudentiel susceptible de miner la
stabilité bancaire. Par conséquent, nous demandons aux IFI d'aider les pays à
adopter des normes internationales comprenant, par exemple, les 40 recommandations du
GAFI, les principes fondamentaux du Comité de Bâle, les objectifs et principes de
l'Organisation internationale des commissions de valeur visant à lutter contre le
blanchiment d'argent, le raffermissement de la réglementation et de la coopération
internationale et la constitution de systèmes financiers nationaux plus dynamiques. À
cette fin, nous demandons au FMI, à la Banque mondiale et aux autres IFI
d'encourager et d'aider les pays à lutter contre le blanchiment d'argent dans
le cadre de l'élaboration de programmes et de l'aide du secteur financier,
lorsque le blanchiment d'argent représente un risque ou un élément particulier de
vulnérabilité. Nous proposons que le Programme d'évaluation du secteur financier
établi par le FMI et la Banque mondiale et le processus d'observation de
l'article IV des statuts du FMI englobent, le cas échéant, l'évaluation
de mesures de lutte contre le blanchiment d'argent. Nous demandons à la Banque mondiale
de relever le niveau du débat portant sur le blanchiment d'argent dans le cadre de sa
campagne permanente de lutte contre la corruption. Les banques régionales de
développement, comme la Banque asiatique de développement, la Banque interaméricaine de
développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la
Banque africaine de développement, doivent également jouer un rôle important,
c'est-à-dire mieux sensibiliser les intervenants à l'importance de la lutte
contre le blanchiment d'argent dans le cadre des efforts de développement du secteur
financier en vue de raffermir la surveillance et de promouvoir une saine gouvernance.
- Nous reconnaissons les menaces éventuelles que posent les centres financiers
extraterritoriaux qui ne satisfont pas aux normes internationales. À cet égard, nous
soulignons le rapport du groupe de travail du Forum sur la stabilité financière sur ces
centres, et nous demandons au FMI d'assumer son rôle au chapitre de la mise en
uvre de ses recommandations concernant le processus d'évaluation pour que les
centres financiers extraterritoriaux respectent davantage les normes internationales.
Source: Canada, Ministère des Finances.