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- Lancée en 1996, l'initiative visant à réduire l'accumulation dangereuse de la dette des pays pauvres lourdement endettés
(PPLE) a déjà donné des résultats positifs, réunissant ensemble, pour la première fois, des créanciers multilatéraux, le
Club de Paris et par ailleurs des créanciers bilatéraux dans un cadre global d'allégement de la dette. L'expérience et les
développements récents ont, toutefois, mis en lumière la vulnérabilité de beaucoup des PPLE à des chocs exogènes. À
l'aube d'un nouveau millénaire, il est maintenant temps de renforcer cette initiative de manière à accroître les chances des
pays admissibles de s'affranchir vigoureusement et durablement des problèmes périodiques de la dette qui les
assaillissent.
- C'est pourquoi nous appuyons un allégement de la dette plus rapide, plus complet et plus étendu pour les pays les plus
pauvres qui ont pris l'engagement d'aller de l'avant avec la réforme et l'atténuation de la pauvreté. Si de telles mesures
étaient mises en oeuvre, l'encours de la dette des pays susceptibles d'être admissibles à l'Initiative en faveur des PPLE
serait réduit d'un montant de 27 milliards, en sus des quelque 71 milliards $US (selon la valeur nette actuelle) consentis
au titre de la formule d'allégement traditionnelle. Ajoutées à l'annulation de la dette au titre de l'aide publique au
développement, dont un montant de près de 20 milliards $US (valeur nominale) est dû à des pays du G7, ces mesures
permettraient de réduire sensiblement le fardeau du service de la dette des pays visés et de libérer ainsi des ressources
pour financer des dépenses sociales prioritaires.
Un cadre de réduction de la pauvreté
- Un allégement de la dette bonifié renforcera la marge de manoeuvre des pays débiteurs au chapitre des mesures
d'intervention. Il n'en faut pas moins continuer à poursuivre des politiques économiques saines, et éviter d'engager de
nouvelles dépenses non productives. Dans le même temps, il est important que les retombées de l'exercice d'allégement
de la dette soient utilisées de manière à aider les couches les plus vulnérables de la population. Il faudra donc créer un
solide lien entre réduction de la dette, ajustement permanent, meilleure gouvernance et allégement de la pauvreté. Une
meilleure gestion des dossiers budgétaires comme l'épargne financière dégagée de l'allégement de la dette devraient
permettre d'orienter les dépenses vers les services sociaux de base.
- La poursuite des saines politiques sociales devrait être intégrée aux programmes d'ajustement structurel que les pays
débiteurs sont censés mettre en oeuvre. La nouvelle initiative en faveur des PPLE devrait être fondée sur un cadre élargi
de réduction de la pauvreté, développé par les institutions financières internationales (IFI). Cela est crucial si plus de
ressources doivent être investies en santé, en éducation et dans d'autres services sociaux, qui constituent tous des
facteurs essentiels de développement.
- À cette fin, la Banque mondiale et le FMI devraient adapter leur appui aux termes des documents-cadres de politique
économique, notamment en ce qui concerne les programmes du FMI assujettis à la Facilité d'ajustement structurel
renforcée (FASR). Intégrant leurs efforts, la Banque mondiale et le FMI devraient aider les pays admissibles à dresser
et mettre en application des plans de réduction de la pauvreté pour assurer un ciblage efficace des économies générées
par l'exercice d'allégement de la dette, en même temps qu'une transparence accrue des procédures budgétaires aux fins
de protéger les dépenses sociales. Tout au long de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes, il devrait y
avoir des consultations avec de vastes segments de la société civile. Un tel dialogue constituera la base qui permettra
d'approfondir le sens de la "propriété" chez les gouvernements et les citoyens des pays débiteurs quand viendra le
moment d'adopter les programmes d'ajustement nécessaires.
- Nous invitons instamment la Banque mondiale et le FMI à dresser, d'ici la tenue des réunions annuelles, des plans précis
pour un tel cadre élargi de réduction de la pauvreté.
Un allégement de la dette plus rapide
- La mise en oeuvre de l'exercice d'allégement de la dette doit continuer de s'appuyer sur de saines politiques
économiques s'étalant sur deux étapes, mais il n'en faudrait pas moins permettre aux pays débiteurs d'atteindre plus vite
le "point de réalisation" à la faveur d'une performance améliorée. La deuxième étape pourrait ainsi être considérablement
raccourcie lorsqu'un pays réalise à l'avance d'ambitieux objectifs de politique ("point de réalisation flottant"). Ce
mécanisme devrait énoncer les étapes prioritaires précises à franchir pour approfondir les réformes structurelles et
accroître l'investissement du secteur privé, notamment pour ce qui est de la réduction de la pauvreté.
- En plus de s'attaquer à l'accumulation dangereuse de la dette, l'Initiative en faveur des PPLE devrait attacher plus
d'importance à une réduction plus poussée du fardeau que les paiements au titre du service de la dette représentent au
chapitre des flux de capitaux, afin de libérer des ressources pour la réduction de la pauvreté. Le fardeau du service de la
dette des pays admissibles devrait être allégé plus rapidement par le biais de l'application des mesures d'"allégement
provisoire" par les IFI, avant même la réduction effective de la dette à la faveur de l'atteinte du "point de réalisation". Il
s'agit là d'une pratique qui est déjà courante au Club de Paris pour ce qui est des dettes bilatérales, et les IFI devraient
se charger d'offrir un traitement comparable. Il faut ajouter à cela qu'après l'atteinte du "point de réalisation" les IFI
pourraient gérer la réduction de l'encours de la dette de manière à ce que les paiements au titre du service de la dette
soient réduits de façon plus marquée au cours des premières années.
- Afin de rendre le processus de PPLE plus prévisible en même temps que de simplifier les modalités d'un allégement plus
rapide au chapitre des flux de capitaux, le montant de la réduction de la dette devrait être déterminé au moment du
"point de décision", en fonction de la situation qui prévaut à ce moment-là. Il s'ensuivra une plus grande certitude quant
au niveau d'allégement de la dette.
- Un certain nombre des pays les plus pauvres affligés d'un lourd fardeau de la dette ne sont pas encore parties prenantes
au processus de PPLE. Nous demandons aux IFI et au Club de Paris de faire une priorité de l'aide à apporter à ces
pays pour les amener à entamer le processus.
Un allégement de la dette plus complet et plus étendu
- Pour parvenir à des règlements de dette durables pour les PPLE admissibles et appuyer leurs efforts en vue d'alléger la
pauvreté, la communauté internationale devrait s'engager à franchir de nouvelles étapes afin de libérer des ressources.
Les taux cibles indiquant le niveau auquel la viabilité de la dette peut être assumée devraient être réévalués et abaissés.
Ainsi, nous appuyons la diminution du ratio dette-exportations, qui passerait à 150 pour cent, la fourchette actuelle se
situant entre 200 et 250 pour cent. En outre, il faudrait accorder plus d'importance au ratio dette-revenu de rechange,
qui devrait passer du niveau actuel de 280 pour cent à 250 pour cent. Cela suppose également une révision des
sous-critères désignés pour éviter le risque moral que comporte cette solution de rechange, et la description des ratios
minimaux du PIB au regard des exportations et des recettes fiscales; ces sous-critères pourraient être rabaissés, de 40
pour cent à 20 pour cent, et de 30 pour cent à 15 pour cent, respectivement. La combinaison de ces révisions
permettrait d'alléger de façon plus importante la dette, de tenir davantage compte de la situation budgétaire des pays
débiteurs et d'élargir l'Initiative en faveur des PPLE à plus de pays.
- Les prêteurs bilatéraux du Club de Paris octroient actuellement aux pays admissibles à l'Initiative en faveur des PPLE
des remises de dette allant jusqu'à 30 pour cent sur les dettes commerciales, mais nous appuyons un degré d'annulation
encore plus poussé. Pour atteindre la soutenabilité de la dette, nous serions prêts à annuler jusqu'à concurrence de 90
pour cent et, au besoin, plus dans certains cas, en particulier pour ce qui concerne les pays les plus démunis parmi les
pays visés. Quant aux pays pauvres non admissibles à l'Initiative, le Club de Paris pourrait considérer une réduction
unifiée de 67 pour cent selon les termes de Naples et, pour les autres pays débiteurs, un relèvement du plafond imposé
actuellement aux opérations d'échange de dettes, le tout sur fond de transparence appropriée.
- Il est vrai que beaucoup de créanciers bilatéraux ont annulé des dettes au titre de l'aide publique au développement
et(ou) offrent une APD sous forme de subventions seulementaux pays pauvres, mais il reste que les autres dettes
contractées au titre de l'APD constituent toujours une accumulation dangereuse de créances dans de nombreux pays.
Par conséquent, nous demandons à tous les pays créanciers d'annuler de façon bilatérale - en offrant à cet égard une
brochette d'options - toute dette au titre de l'APD pour les pays admissibles, en sus des sommes requises pour atteindre
la soutenabilité de la dette. Nous sommes conscients du fait que ce genre d'annulation présenterait un fardeau spécial
pour certains pays créditeurs. Afin de voir à ce que les PPLE ne soient pas confrontés à de nouveaux problèmes de la
dette dans l'avenir, les nouvelles mesures d'APD devraient être de préférence offertes sous forme de subventions.
Le financement
- Nous reconnaissons que ces changements entraîneront des coûts importants, en particulier au regard de la dette
contractée à l'égard des IFI. Toutefois, le coût final de l'initiative dépend de plusieurs impondérables, et les dépenses
réelles s'étaleront sur une longue période de temps. Nous sommes prêts à appuyer un certain nombre de mécanismes
pour faire face à ces frais, reconnaissant l'importance de maintenir une capacité suffisante de crédit à des conditions de
faveur par les IFI. À cet égard, il convient de noter ce qui suit:
- Pour absorber les coûts lui incombant, le FMI devrait mobiliser ses ressources tout en
maintenant un niveau approprié de réserves par : le recours aux intérêts créditeurs en primes,
l'utilisation possible des reflux provenant du compte contingent spécial ou d'un mécanisme de
financement équivalent, enfin, l'utilisation des gains en intérêts sur les recettes d'une vente
limitée et prudemment ordonnée d'une quantité allant jusqu'à concurrence de dix millions d'onces
d'or à même les réserves du FMI.
- Les banques multilatérales de développement devraient faire s'appuyer sur le travail qu'elles ont
déjà fait, pour trouver et exploiter des approches innovatrices qui maximisent l'utilisation de leurs
propres ressources.
- Il faudra aussi que des contributions bilatérales soient consenties pour financer les coûts
supportés par les IFI. Nous nous sommes engagés à verser des contributions considérables au Fonds
fiduciaire existant en faveur des PPLE. Nous envisageons de bonne foi la possibilité d'octroyer des
contributions aux fins d'un Fonds fiduciaire élargi en faveur des PPLE.
- Pour financer les coûts, nous demandons que le fardeau soit partagé de manière appropriée
entre les donateurs en prenant en compte tous les aspects pertinents, notamment la magnitude et la
qualité de l'APD déjà versée et des sommes déjà annulées à ce titre, et en reconnaissant les contributions
des pays ayant consenti des prêts au titre de l'APD élevés au regard de leur PIB.
- Sur la base de ce cadre, nous demandons aux IFI et au Club de Paris de consentir un allégement de
la dette qui soit plus rapide, plus complet et plus étendu. Des propositions concrètes devraient être
convenues d'ici la tenue des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
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